Deuxième mère
Vous rappelez vous le message délivré autrefois par la Comtesse de Ségur à Sophie ? vous semblait-il oppressant, voire aliénant ? les bêtises calculées de la petite fille peuvent vite mettre les nerfs en pelote, certes. Mais une forme de compassion naît vite pour cette enfant, écrasée sous la masse éléphantesque des ordres et interdictions maternelles…
L’impératif ou un certain discours de l’éducation. Qui traversa notre oreille d’enfant pour ressortir de l’autre, dans certains cas. « Range ta chambre », « lave toi les mains », « tiens toi droite », et le traditionnel « dors bien » qui n’est pas épargné. Aujourd’hui grandis, nous vivons dissous dans la foule, persuadés d’être libres. Mais avons-nous pour autant gagné notre indépendance de jugement ?
Que nenni ! notre deuxième mère rôde et surveille sa progéniture ! des forces invisibles veillent au grain. Images et mots font la ronde autour de notre pseudo-liberté, d’être… et de choisir. Nez dans les papiers glacés, nous supposons lire des magazines. Faux ! On lit à travers nous, on nous dissèque, on nous décrypte, et plus que jamais avec des mines patibulaires on nous oriente, nous guide, nous abreuve d’injonctions variées : faire ci, ne pas faire cela…
Epuisante société du « bien faire ». Bien acheter, bien dormir, bien travailler, bien s’aimer, bien se maquiller, bien s’habiller , bien communiquer…. Bien. Comme si la première tartine de conseils, celle que nous servirent papa et maman, qu’elle fut beurre, nutella ou confiture, peu importe…. n’avait pas suffi. Bois ton soja. Mange tes oméga 3. Parle avec ton conjoint. Utilise du détergent bio. Bouge ton corps. Achète du basilic frais. Bois du thé vert. Crois en toi. Asperge ton visage d’eau florale. Demande un vélo pour Noël. Jette ta voiture.
Comment admettre alors qu’abreuvés d’idées lumineuses, nous n’ayons pas tous et toutes atteint le summum de la perfection et ce, dans tous les domaines ? En nous survivrait donc encore une peu de la petite Sophie ?, cultivons nous, non plus des maïs transgéniques, mais une part de rébellion ? sommes nous encore les guerriers, les amazones des temps modernes ou mous comme des chiques, à l’instar du sandwich SNCF ? (parlons-en, à ce propos, du manger-bien…)
Nous résistons. Alors la tactique d’approche des médias se fait plus indirecte, plus subtile ! Eh oui, il ne suffit plus de bien donner les petits suisses aux fruits à vos enfants , d’acheter des lingettes nettoyantes, ou de manger votre yaourt fibres -pruneaux en minaudant de la bouche ( et des yeux) avec sensualité! On vous roule par en dessous, l’entourloupe gagne du terrain ! en atteste par exemple l’intitulé des films ciné qui lui non plus n’est pas laissé au hasard …
Et allons-y, gaiement, tous au Pathé ! c’est un ordre ! A l’affiche ces derniers mois :
Pars vite reviens tard !
Prête moi ta main !
Ne le dis à personne !
Ne t’en fais pas tout va bien !(ou le contraire)
Tais-toi !
Etc…
Ces suggestions qui frisent l’ordre, et le bon conseil du magazine qui vous place finalement plus bas que terre, (parce que vous faites mal les choses, enfin ! c’est « has been » depuis longtemps d’ailleurs…) voilà de quoi s’asseoir en fleur de lotus et méditer longtemps. A moins que, au diable la mode bouddhiste, vous ne préfériez déterrer votre bonne vieille hache de guerre ?
Que pensez-vous de …. bien se mettre en colère ?
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